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À MON AMI THOMAS * * *


Il fut un jour, Ami, déjà loin de ce jour
Où nous causions ensemble.
Des Poëtes Anglais voilà que tout autour
De nous, l’élite se rassemble ;
Et Thomas Moore et Burns, Coleridge et Milton,
Et Shakespeare et Marlow, et Prior et Fenton,
Chaucer, Shelley, Byron, tous enfants de la gloire,
Devisent avec nous… grâce à votre mémoire !
Il me souvient qu’alors vous me dites : « Ami
Si vous faisiez un choix parmi
Tous ces grands noms, brillants de renommée,
Pour en composer une armée,
Jamais, je crois, votre brave Crillon
Sous ses ordres n’eut eu plus vaillant bataillon. »
J’en convins ; « mais, » vous dis-je,
« Il faudrait marbre de Paros
Pour pouvoir les sculpter vos poëtes-héros ;
Pour les faire parler, il faudrait un prodige !
Leur génie est si différent,
Et si divers leur faire au demeurant,
Qu’en Français leur donner la vie
Certes ne serait pas pour eux objet d’envie :
Les courber tous sous un même niveau,
Et les faire passer sous le joug de Boileau
Ces esprits pétillante de verve et de jeunesse,
Serait les rabaisser jusqu’à la sécheresse. »
Alors vous me dites, Thomas,
Certes mieux avisé que feu Monsieur Calchas :
« Qui vous force à rester classique, archi-classique ?
Sachez, quand il le faut, être un peu romantique,