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Les vallées où l’on entre au-dessus de Montmélian sont bordées par des monts de diverses formes, tantôt demi-nus, tantôt revêtus de forêts. Le fond de ces vallées représente assez pour la culture les mouvements du terrain et les anfractuosités de Marly, en y mêlant de plus des eaux abondantes et un fleuve. Le chemin a moins l’air d’une route publique que de l’allée d’un parc. Les noyers dont cette allée est ombragée m’ont rappelé ceux que nous admirions dans nos promenades de Savigny. Ces arbres nous rassembleront-ils encore sous leur ombre ? Le poète s’est écrié dans un mouvement de mélancolie :

Beaux arbres qui m’avez vu naître,

Bientôt vous me verrez mourir !

Ceux qui meurent à l’ombre des arbres qui les ont vus naître sont-ils donc si à plaindre !

Les vallées dont je vous parle se terminent au village qui porte le joli nom d’Aigue-Belle. Lorsque je passai dans ce village, la hauteur qui le domine était couronnée de neige : cette neige, fondant au soleil, avait descendu en longs rayons tortueux dans les concavités noires et vertes du rocher : vous eussiez dit d’une gerbe de fusées, ou d’un essaim de beaux serpents blancs qui s’élançaient de la cime des monts dans la vallée.

Aigue-Belle semble clore les Alpes ; mais bientôt