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que jamais ; les barques qui traversent cette douce rivière, mitis Arar, couvertes d’une toile, éclairées d’une lumière pendant la nuit, et conduites par de jeunes femmes, amusent agréablement les yeux. Vous aimez les cloches : venez à Lyon ; tous ces couvents épars sur les collines semblent avoir retrouvé leurs solitaires.

Vous savez déjà que l’Académie de Lyon m’a fait l’honneur de m’admettre au nombre de ses membres. Voici un aveu : si le malin esprit y est pour quelque chose, ne cherchez dans mon orgueil que ce qu’il y a de bon, vous savez que vous voulez voir l’enfer du beau côté. Le plaisir le plus vif que j’aie éprouvé dans ma vie, c’est d’avoir été honoré, en France et chez l’étranger, des marques d’un intérêt inattendu. Il m’est arrivé quelquefois, tandis que je me reposais dans une méchante auberge de village, de voir entrer un père et une mère avec leur fils : ils m’amenaient, me disaient-ils, leur enfant pour me remercier. Était-ce l’amour-propre qui me donnait ce plaisir vif dont je parle ? Qu’importait à ma vanité que ces obscurs et honnêtes gens me témoignassent leur satisfaction sur un grand chemin, dans un lieu où personne ne les entendait ? Ce qui me touchait, c’était, du moins j’ose le croire, c’était d’avoir produit un peu de bien, d’avoir consolé quelques cœurs affligés, d’avoir fait renaître au fond des entrailles