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encore chez eux le fond d’une nation peu commune. On peut découvrir parmi ce peuple, trop sévèrement jugé, un grand sens, du courage, de la patience, du génie, des traces profondes de ses anciennes mœurs, je ne sais quel air de souverain et quels nobles usages qui sentent encore la royauté. Avant de condamner cette opinion, qui peut vous paraître hasardée, il faudrait entendre mes raisons, et je n’ai pas le temps de vous les donner.

Que de choses me resteraient à vous dire sur la littérature italienne ! Savez-vous que je n’ai vu qu’une seule fois le comte Alfieri dans ma vie, et devineriez-vous comment ? Je l’ai vu mettre dans la bière ! On me dit qu’il n’était presque pas changé. Sa physionomie me parut noble et grave ; la mort y ajoutait sans doute une nouvelle sévérité ; le cercueil étant un peu trop court, on inclina la tête du défunt sur sa poitrine, ce qui lui fit faire un mouvement formidable. Je tiens de la bonté d’une personne qui lui fut bien chère, et de la politesse d’un ami du comte Alfieri, des notes curieuses sur les ouvrages posthumes, les opinions et la vie de cet homme célèbre. La plupart des papiers publics en France ne nous ont donné sur tout cela que des renseignements tronqués et incertains.

Pour cette fois, j’ai fini ; je vous envoie ce monceau de ruines : faites en tout ce qu’il vous plaira.