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le seul génie français a pu retracer les grâces, et qui attendaient le pinceau du Poussin et de Claude Lorrain.

Je descendis de la villa d’Este vers les trois heures après midi ; je passai le Teverone sur le pont de Lupus, pour rentrer à Tivoli par la porte Sabine. En traversant le bois des vieux oliviers, dont je viens de vous parler, j’aperçus une petite chapelle blanche, dédiée à la madone Quintilanea, et bâtie sur les ruines de la villa de Varus. C’était un dimanche : la porte de cette chapelle était ouverte, j’y entrai. Je vis trois petits autels disposés en forme de croix ; sur celui du milieu s’élevait un grand crucifix d’argent, devant lequel brûlait une lampe suspendue à la voûte. Un seul homme, qui avait l’air très malheureux, était prosterné auprès d’un banc ; il priait avec tant de ferveur, qu’il ne leva pas même les yeux sur moi au bruit de mes pas. Je sentis ce que j’ai mille fois éprouvé en entrant dans une église, c’est-à-dire un certain apaisement des troubles du cœur (pour parler comme nos vieilles bibles), et je ne sais quel dégoût de la terre. Je me mis à genoux à quelque distance de cet homme, et, inspiré par le lieu, je prononçai cette prière : " Dieu du voyageur, qui avez voulu que le pèlerin vous adorât dans cet humble asile bâti sur les ruines du palais d’un grand de la terre ! Mère de douleur, qui avez établi votre culte de miséricorde