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Je n’ai point quitté Tivoli sans visiter la maison du poète que je viens de citer : elle était en face de la villa de Mécène ; c’était là qu’il offrait floribus et vino genium memorem brevis aevi[1]. L’ermitage ne pouvait pas être grand, car il est situé sur la croupe même du coteau ; mais on sent qu’on devait être bien à l’abri dans ce lieu, et que tout y était commode, quoique petit. Du verger devant la maison l’oeil embrassait un pays immense : vraie retraite du poète à qui peu suffit, et qui jouit de tout ce qui n’est pas à lui, spatio brevi spem longam reseces[2]. Après tout, il est fort aisé d’être philosophe comme Horace. Il avait une maison à Rome, deux villa à la campagne, l’une à Utique, l’autre à Tivoli. Il buvait d’un certain vin du consulat de Tullus avec ses amis : son buffet était couvert d’argenterie ; il disait familièrement au premier ministre du maître du monde : " Je ne sens point les besoins de la pauvreté, et si je voulais quelque chose de plus, Mécène, tu ne me le refuserais pas. " Avec cela on peut chanter Lalagé, se couronner de lis, qui vivent peu, parler de la mort en buvant le falerne, et livrer au vent les chagrins.

Je remarque qu’Horace, Virgile, Tibulle, Tite-Live, moururent tous avant Auguste, qui eut en cela

  1. « Des fleurs et du vin au génie qui nous rappelle la brièveté de la vie. »
  2. « Renferme dans un espace étroit tes longues espérances. » Hor.