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mi Rufi, cole ; in ista luce vive[1]. Cet attrait de la belle Ausonie est encore le même. On cite plusieurs exemples de voyageurs qui, venus à Rome dans le dessein d’y passer quelques jours, y sont demeurés toute leur vie. Il fallut que le Poussin vînt mourir sur cette terre des beaux paysages : au moment même où je vous écris, j’ai le bonheur d’y connaître M. d’Agincourt, qui y vit seul depuis vingt-cinq ans, et qui promet à la France d’avoir aussi son Winckelman.

Quiconque s’occupe uniquement de l’étude de l’antiquité et des arts, ou quiconque n’a plus de liens dans la vie, doit venir demeurer à Rome. Là il trouvera pour société une terre qui nourrira ses réflexions et qui occupera son cœur, des promenades qui lui diront toujours quelque chose. La pierre qu’il foulera aux pieds lui parlera, la poussière que le vent élèvera sous ses pas renfermera quelque grandeur humaine. S’il est malheureux, s’il a mêlé les cendres de ceux qu’il aima à tant de cendres illustres, avec quel charme ne passera-t-il pas du sépulcre des Scipions au dernier asile d’un ami vertueux, du charmant tombeau de Cecilia

  1. « C’est à Rome qu’il faut habiter, mon cher Rufus, c’est à cette lumière qu’il faut vivre. » Je crois que c’est dans le premier ou dans le second livre des Épîtres familières. Comme j’ai cité partout de mémoire, on voudra bien me pardonner s’il se trouve quelque inexactitude dans les citations.