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autre point de l’horizon ; un crépuscule succède à un crépuscule, et la magie du couchant se prolonge. Il est vrai qu’à cette heure du repos des campagnes l’air ne retentit plus de chants bucoliques ; les bergers n’y sont plus, Dulcia linquimus arva ! mais on voit encore les grandes victimes du Clytumne, des bœufs blancs ou des troupeaux de cavales demi-sauvages qui descendent au bord du Tibre et viennent s’abreuver dans ses eaux. Vous vous croiriez transporté au temps des vieux Sabins ou au siècle de l’Arcadien Evandre, pasteurs des peuples, alors que le Tibre s’appelait Albula, et que le pieux Énée remonta ses ondes inconnues.

Je conviendrai toutefois que les sites de Naples sont peut-être plus éblouissants que ceux de Rome : lorsque le soleil enflammé, ou que la lune large et rougie, s’élève au-dessus du Vésuve, comme un globe lancé par le volcan, la baie de Naples avec ses rivages bordés d’orangers, les montagnes de la Pouille, l’île de Caprée, la côte du Pausilippe, Baïes, Misène, Cumes, l’Averne, les champs Élysées, et toute cette terre virgilienne, présentent un spectacle magique ; mais il n’a pas selon moi le grandiose de la campagne romaine. Du moins est-il certain que l’on s’attache prodigieusement à ce sol fameux. Il y a deux mille ans que Cicéron se croyait exilé sous le ciel de l’Asie, et qu’il écrivait à ses amis : Urbem,