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toujours prêt, en les regardant, à s’écrier avec Virgile :

Salve, magna parens frugum, Saturnia tellus,

Magna virum !

Si vous les voyez en économiste, elles vous désoleront ; si vous les contemplez en artiste, en poète, et même en philosophe, vous ne voudriez peut-être pas qu’elles fussent autrement. L’aspect d’un champ de blé ou d’un coteau de vignes ne vous donnerait pas d’aussi fortes émotions que la vue de cette terre dont la culture moderne n’a pas rajeuni le sol, et qui est demeurée antique comme les ruines qui la couvrent.

Rien n’est comparable pour la beauté aux lignes de l’horizon romain, à la douce inclinaison des plans, aux contours suaves et fuyants des montagnes qui le terminent. Souvent les vallées dans la campagne prennent la forme d’une arène, d’un cirque, d’un hippodrome ; les coteaux sont taillés en terrasses, comme si la main puissante des Romains avait remué toute cette terre. Une vapeur particulière, répandue dans les lointains, arrondit les objets et dissimule ce qu’ils pourraient avoir de dur ou de heurté dans leurs formes. Les ombres ne sont jamais lourdes et noires ; il n’y a pas de masses si obscures de rochers et de feuillages dans lesquelles il ne s’insinue toujours un peu de