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VIE DE RANCÉ

que Jacques avait dit avant d’expirer : « Je n’ai rien quitté ; j’étais un grand pécheur : la prospérité m’aurait gâté le cœur, j’aurais vécu dans le désordre. » Jacques, plus heureux que Marie Stuart, nous a laissé sa dépouille : Marie, voyant s’éloigner les côtes de Normandie, s’écriait : « Adieu, France, adieu ; je ne te reverrai plus ! » Le bourreau, en tranchant la tête à la reine d’Écosse, lui enfonça d’un coup de hache sa coiffure dans la tête, comme un effroyable reproche à sa frivolité.

Boivin est un dernier des hommes du siècle avec qui Rancé eut affaire. Il écrivait le 18 octobre 1696 à l’abbé Nicaise : « Je ne sais comment vous avez pu avoir l’arrêt du parlement de Rouen contre le sieur Boivin ; mais si vous connaissiez jusqu’où va sa violence et son emportement, vous auriez peine à croire qu’un homme d’étude comme lui put tomber dans de si grands excès. » Le procès que Boivin eut avec la Trappe était pour une redevance de vingt-quatre sous, il dura douze ans et coûta douze mille livres. « Je l’ai gagné pendant douze ans, écrivait Boivin, et je ne l’ai perdu qu’un seul jour. »

Au reste Rancé, tout vieux et tout malade qu’il était, ne déclinait jamais le combat, mais aussi-