Page:Chateaubriand - Oeuvres de Lucile de.djvu/14

Cette page a été validée par deux contributeurs.
6
œuvres de lucile de chateaubriand

« Toutes les affections de celle-ci, lisons-nous dans les Mémoires d’Outre-Tomhe, s’étaient concentrées dans son fils aîné ; non qu’elle ne chérît ses autres enfants, mais elle témoignait une préférence aveugle au jeune comte de Combourg. J’avais bien, il est vrai, comme garçon, comme le chevalier (ainsi m’appelait-on), quelques privilèges sur mes sœurs ; mais, en définitive, j’étais abandonné aux mains des gens. Ma mère d’ailleurs, pleine d’esprit et de vertu, était préoccupée par les soins de la société et les devoirs de la religion. Elle aimait la politique, le bruit, le monde : car on faisait de la politique à Saint-Malo, comme les moines de Saba dans le ravin de Cédron ; elle se jeta avec ardeur dans l’affaire La Chalotais. Elle rapportait chez elle une humeur grondeuse, une imagination distraite, un esprit de parcimonie, qui nous empêchèrent d’abord de reconnaître ses admirables qualités. Avec de l’ordre, ses enfants étaient tenus sans ordre ; avec de la générosité, elle avait l’apparence de l’avarice ; avec de la douceur d’âme, elle grondait toujours : mon père était la terreur des domestiques, ma mère le fléau. »

L’on devine la vie étrange de ces enfants abandonnés aux domestiques et à eux-mêmes. Le futur écrivain était le favori de la femme de charge, Villeneuve, qu’il adorait. Il se mit aussi à adorer sa sœur Lucile.