Un écolier s’approcha de moi et me jeta un papier avec cette inscription : « Au Virgile du xixe siècle ; » on lisait écrit ce passage altéré de l’Énéïde : Macte animo, generose puer[1]. Et le postillon fouetta les chevaux, et je partis tout fier de ma haute renommée à Bâle, tout étonné d’être Virgile, tout charmé d’être appelé enfant, generose puer.
Je franchis le pont, laissant les bourgeois et les paysans de Bâle en guerre au milieu de leur république[2], et remplissant à leur manière le rôle qu’ils sont appelés à jouer dans la transformation générale de la société. Je remontai la rive droite du Rhin et regardais avec une certaine tristesse les hautes collines du canton de Bâle. L’exil que j’étais venu chercher l’année dernière dans les Alpes me semblait une fin de vie plus heureuse, un sort plus doux que ces affaires d’empire où je m’étais réengagé. Nourrissais-je pour madame la duchesse de Berry ou son fils la plus petite espérance ? non ; j’étais en outre convaincu que, malgré mes services récents, je ne trouverais point d’amis à Prague. Tel qui a prêté serment à Louis-Philippe, et qui loue néanmoins les funestes
- ↑ Le vers de l’Énéide (Livre IX, vers 641) est celui-ci :
Macte nova virtute, puer ! sic itur ad astra.C’est Stace qui a dit, en modifiant légèrement le vers de Virgile :Macte animo, generose puer ! sic itur ad astra.
- ↑ Des troubles graves venaient d’éclater dans le canton de Bâle, entre les paysans de Bâle-Campagne et les bourgeois de Bâle-Ville. Les premiers réclamaient le droit de se constituer et de s’administrer séparément, les conditions d’union offertes par la ville ne leur ayant pas semblé équitables, les deux parties allaient en venir bientôt à une lutte armée et sanglante.