Il prit dans ses mains un crucifix qu’il avait reçu du pape et le pressa sur ses lèvres.
Sept jours s’écoulèrent encore. Le chrétien éprouvé ayant sollicité la faveur des saintes huiles, survint le cardinal Cintio, apportant la bénédiction du souverain pontife. Le moribond en montra une grande joie. « Voici, dit-il, la couronne que j’étais venu chercher à Rome : j’espère triompher demain avec elle. »
Virgile fit prier Auguste de jeter au feu l’Énéide ; le Tasse supplia Cintio de brûler la Jérusalem. Ensuite, il désira rester seul à seul avec son crucifix.
Le cardinal n’avait pas gagné la porte, que ses larmes, violemment retenues, débordèrent : la cloche sonna l’agonie, et les religieux, psalmodiant les prières des morts, pleurèrent et se lamentèrent dans les cloîtres. À ce bruit, Torquato dit aux charitables solitaires (il lui semblait les voir errer autour de lui comme des ombres) : « Mes amis, vous me croyez laisser ; je vous précède seulement. »
Dès lors il n’eut d’entretien qu’avec son confesseur et quelques pères de grande doctrine. Près de rendre le dernier soupir, on recueillit de sa bouche cette stance, fruit de l’expérience de sa vie : « Si la mort n’était pas, il n’y aurait au monde rien de plus misérable que l’homme. » Le 25 avril 1595, vers le milieu du jour, le poète s’écria : « In manus tuas, Domine. . . . . . . . . . »
Le reste du verset fut à peine entendu, comme prononcé par un voyageur qui s’éloigne.
L’auteur de la Henriade s’éteint à l’hôtel de Villette,