Dans cet exil nouveau, j’ai déjà d’anciens amis : M. Lemoine y repose. Secrétaire de M. de Montmorin, il m’avait été légué par madame de Beaumont. Il m’apportait presque tous les soirs, quand j’étais à Paris, la simple conversation qui me plaît tant quand elle s’unit à la bonté du cœur et à la sûreté du caractère. Mon esprit fatigué et malade se délasse avec un esprit sain et reposé. J’ai laissé les centres de la noble patronne de M. Lemoine au bord du Tibre.
Les boulevards qui environnent l’Infirmerie partagent mes promenades avec le cimetière, je n’y rêve plus : n’ayant plus d’avenir, je n’ai plus de songes. Étranger aux générations nouvelles, je leur semble un besacier poudreux, bien nu ; à peine suis-je recouvert maintenant d’un lambeau de jours écourtés que le temps rogne, comme le héraut d’armes coupait la jaquette d’un chevalier sans gloire : je suis aise d’être à l’écart. Il me plaît d’être à une portée de fusil de la barrière, au bord d’un grand chemin et toujours prêt à partir. Du pied de la colonne milliaire, je regarde passer le courrier, mon image et celle de la vie.
Lorsque j’étais à Rome, en 1828, j’avais formé le projet de bâtir à Paris, au bout de mon ermitage une serre et une maison de jardinier ; le tout sur mes économies de mon ambassade et les fragments d’antiquités trouvés dans mes fouilles à Torre Vergata. M. de Polignac arriva au ministère ; je fis aux libertés de mon pays le sacrifice d’une place qui me charmait ; retombé dans mon indigence, adieu ma serre : fortuna vitrea est.
La méchante habitude du papier et de l’encre fait