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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

est entendue, les idées arrivent avec les passe-ports du siècle.

« Vous voyez, madame, combien le point de départ est essentiel à bien choisir. L’enfant de l’espérance sous votre garde, l’innocence réfugiée sous vos vertus et vos malheurs comme sous un dais royal, je ne connais pas de plus imposant spectacle ; s’il y a une chance de succès pour la légitimité, elle est là toute entière. La France future pourra s’incliner, sans descendre, devant la gloire de son passé, s’arrêter tout émue devant cette grande apparition de son histoire représentée par la fille de Louis XVI, conduisant par la main le dernier des Henris. Reine protectrice du jeune prince, vous exercerez sur la nation l’influence des immenses souvenirs qui se confondent dans votre personne auguste. Qui ne se sentira renaître une confiance inaccoutumée lorsque l’orpheline du Temple veillera à l’éducation de l’orphelin de saint Louis ?

« Il est à désirer, madame, que cette éducation, dirigée par des hommes dont les noms soient populaires en France, devienne publique dans un certain degré. Louis XIV, qui justifie d’ailleurs l’orgueil de sa devise, a fait un grand mal à sa race en isolant les fils de France dans les barrières d’une éducation orientale.

« Le jeune prince m’a paru doué d’une vive intelligence. Il devra achever ses études par des voyages chez les peuples de l’ancien et même du nouveau continent, pour connaître la politique et ne s’effrayer ni des institutions ni des doctrines. S’il peut servir comme soldat dans quelque guerre lointaine et