exilés avec moi : après avoir mêlé ma misère à la leur sur les pelouses de Kensington, j’ai offert à leurs derniers pas les gazons de mon hospice ; ils y traînent leur vieillesse religieuse comme les plis du voile du sanctuaire.
J’ai pour compagnon un gros chat gris-roux à bandes noires transversales, né au Vatican dans la loge de Raphaël : Léon XII l’avait élevé dans un pan de sa robe, où je l’avais vu avec envie, lorsque le pontife me donnait mes audiences d’ambassadeur. Le successeur de saint Pierre étant mort, j’héritai du chat sans maître, comme je l’ai dit en racontant mon ambassade de Rome. On l’appelait Micetto, surnommé le chat du pape. Il jouit en cette qualité d’une extrême considération auprès des âmes pieuses. Je cherche à lui faire oublier l’exil, la chapelle Sixtine et le soleil de cette coupole de Michel-Ange sur laquelle il se promenait loin de la terre.
Ma maison, les divers bâtiments de l’Infirmerie avec leur chapelle et la sacristie gothique, ont l’air d’une colonie ou d’un hameau. Dans les jours de cérémonie, la religion cachée chez moi, la vieille monarchie à mon hôpital, se mettent en marche. Des processions composées de tous nos infirmes, précédés des jeunes filles du voisinage, passent en chantant sous les arbres avec le Saint-Sacrement, la croix et la bannière. Madame de Chateaubriand les suit, le chapelet à la main, fière du troupeau objet de sa sollicitude. Les merles sifflent, les fauvettes gazouillent, les rossignols luttent avec les hymnes. Je me reporte aux Rogations dont j’ai décrit la pompe champêtre ; de la théorie du christianisme, j’ai passé à la pratique.