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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

bouche du vieillard trois fois exilé. Et cependant des mains françaises avaient abattu la tête de son frère et percé le cœur de son fils ; tant ces mains ont été pour lui remémoratrices et implacables !

Je louai le roi de grand cœur et d’une voix émue. Je lui demandai s’il n’entrait point dans ses intentions de faire cesser toutes ces correspondances secrètes, de donner congé à tous ces commissaires qui, depuis quarante années, trompent la légitimité. Le roi m’assura qu’il était résolu à mettre un terme à ces impuissantes tracasseries ; il avait, disait-il, déjà désigné quelques personnes graves, au nombre desquelles je me trouvais, pour composer en France une sorte de conseil propre à l’instruire de la vérité. M. de Blacas m’expliquerait tout cela. Je priai Charles X d’assembler ses serviteurs et de m’entendre ; il me renvoya à M. de Blacas.

J’appelai la pensée du roi sur l’époque de la majorité de Henri V ; je lui parlai d’une déclaration à faire alors comme d’une chose utile. Le roi, qui ne voulait point intérieurement de cette déclaration, m’invita à lui en présenter le modèle. Je répondis avec respect, mais avec fermeté, que je ne formulerais jamais une déclaration au bas de laquelle mon nom ne se trouvât pas au-dessous de celui du roi. Ma raison était que je ne voulais pas prendre sur mon compte les changements éventuels introduits dans un acte quelconque par le prince de Metternich et par M. de Blacas.

Je représentai au roi qu’il était trop loin de la France, qu’on aurait le temps de faire deux ou trois révolutions avant qu’il en fût informé à Prague. Le roi répliqua que l’empereur l’avait laissé libre de