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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Posen, d’un fragment de la Saxe et des principaux cercles du Rhin ; son poste avancé est sur notre propre territoire, à dix journées de marche de notre capitale.

« La Russie a recouvré la Finlande et s’est établie sur les bords de la Vistule.

« Et nous, qu’avons-nous gagné dans tous ces partages ? Nous avons été dépouillés de nos colonies ; notre vieux sol même n’a pas été respecté : Landau détaché de la France, Huningue rasé, laissent une brèche de plus de cinquante lieues dans nos frontières ; le petit État de Sardaigne n’a pas rougi de se revêtir de quelques lambeaux volés à l’empire de Napoléon et au royaume de Louis le Grand.

« Dans cette position, quel intérêt avons-nous à rassurer l’Autriche et l’Angleterre contre les victoires de la Russie ? Quand celle-ci s’étendrait vers l’Orient et alarmerait le cabinet de Vienne, en serions-nous en danger ? Nous a-t-on assez ménagés, pour que nous soyons si sensibles aux inquiétudes de nos ennemis ? L’Angleterre et l’Autriche ont toujours été et seront toujours les adversaires naturels de la France ; nous les verrions demain s’allier de grand cœur à la Russie, s’il s’agissait de nous combattre et de nous dépouiller.

« N’oublions pas que, tandis que nous prendrions les armes pour le prétendu salut de l’Europe, mise en péril par l’ambition supposée de Nicolas, il arriverait probablement que l’Autriche, moins chevaleresque et plus rapace, écouterait les propositions du cabinet de Pétersbourg : un revirement brusque de politique lui coûte peu. Du consentement de la