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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

« Varna est pris, Varna devient un avant-poste placé à soixante-dix heures de marche de Constantinople. Les Dardanelles sont bloquées ; les Russes s’empareront pendant l’hiver de Silistrie et de quelques autres forteresses ; de nombreuses recrues arriveront. Aux premiers jours du printemps, tout s’ébranlera pour une campagne décisive ; en Asie le général Paskéwitch a envahi trois pachaliks, il commande les sources de l’Euphrate et menace la route d’Erzeroum. Voilà pour ce qui concerne la Russie.

« L’empereur Nicolas eût-il mieux fait d’entreprendre une campagne d’hiver en Europe ? Je le pense, s’il en avait la possibilité. En marchant sur Constantinople, il aurait tranché le nœud gordien, il aurait mis fin à toutes les intrigues diplomatiques ; on se range du côté des succès ; le moyen d’avoir des alliés, c’est de vaincre.

« Quant à la Turquie, il m’est démontré qu’elle nous eût déclaré la guerre, si les Russes eussent échoué devant Varna. Aura-t-elle le bon sens aujourd’hui d’entamer des négociations avec l’Angleterre et la France pour se débarrasser au moins de l’une et de l’autre ? L’Autriche lui conseillerait volontiers ce parti ; mais il est bien difficile de prévoir quelle sera

    brigades en Grèce, pour aider le pays à se réorganiser. Charles X avait tenu la parole qu’il avait dite à son ministre de la Marine, le baron Hyde de Neuville : « La France, quand il s’agit d’un noble dessein, d’un grand service à rendre à un peuple lâchement, cruellement opprimé, ne prend conseil que d’elle-même. Que l’Angleterre veuille ou ne veuille pas, nous délivrerons la Grèce. Allez, continuez avec la même activité les armements. Je ne m’arrêterai pas dans une voie d’humanité et d’honneur. Oui, je délivrerai la Grèce. » Voir les Mémoires et Souvenirs du baron Hyde de Neuville, t. III, p. 399.