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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

la gloire d’une résolution généreuse. Ce ministre, qui, après tout, laissera une grande renommée, crut aussi gêner les mouvements de la Russie par ce traité même ; cependant il était clair que le texte de l’acte n’enchaînait point l’empereur Nicolas, ne l’obligeait point à renoncer à une guerre particulière avec la Turquie.

« Le traité du 6 de juillet est une pièce informe, brochée à la hâte, où rien n’est prévu et qui fourmille de dispositions contradictoires.

« Dans ma Note sur la Grèce, je supposais l’adhésion des cinq grandes puissances ; l’Autriche et la Prusse s’étant tenues à l’écart, leur neutralité les laisse libres, selon les événements, de se déclarer pour ou contre l’une des parties belligérantes.

« Il ne s’agit plus de revenir sur le passé, il faut prendre les choses telles qu’elles sont. Tout ce à quoi les gouvernements sont obligés, c’est à tirer le meilleur parti des faits lorsqu’ils sont accomplis. Examinons donc ces faits.

« Nous occupons la Morée, les places de cette péninsule sont tombées entre nos mains[1]. Voilà pour ce qui nous concerne.

  1. La victoire de Navarin (20 octobre 1827), malgré ses heureuses conséquences, n’avait point suffi pour délivrer la Grèce du joug ottoman. Le 17 août 1828, douze régiments français, formant quatorze mille hommes et commandés par le général Maison, appareillèrent à Toulon. Dix jours après, ils débarquaient dans le golfe de Coron en Morée. Plusieurs garnisons turques occupaient encore des places et des châteaux-forts dans la péninsule. En quelques semaines, les Français les en chassèrent, l’épée à la main. La Morée et les Cyclades furent placées sous la protection commune des puissances, et le général Maison, élevé au maréchalat, retourna en France, ne laissant que deux