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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

de l’état des négociations, je ne puis guère raisonner convenablement. Néanmoins, comme j’ai depuis longtemps un système arrêté sur la politique extérieure de la France, comme j’ai pour ainsi dire été le premier à réclamer l’émancipation de la Grèce, je soumets volontiers, noble comte, mes idées à vos lumières.

« Il n’était point encore question du traité du 6 juillet[1] lorsque je publiai ma Note sur la Grèce. Cette Note renfermait le germe du traité : je proposais aux cinq grandes puissances de l’Europe d’adresser une dépêche collective au divan pour lui demander impérativement la cessation de toute hostilité entre la Porte et les Hellènes. Dans le cas d’un refus, les cinq puissances auraient déclaré qu’elles reconnaissaient l’indépendance du gouvernement grec, et qu’elles recevraient les agents diplomatiques de ce gouvernement.

« Cette Note fut lue dans les divers cabinets. La place que j’avais occupée comme ministre des affaires étrangères donnait quelque importance à mon opinion : ce qu’il y a de singulier, c’est que le prince

  1. Traité du 6 juillet 1827 entre l’Angleterre, la France et la Russie. Les trois puissances contractantes signifiaient à la Porte que si, dans le délai d’un mois, la médiation proposée par les cabinets de Londres, de Paris et de Saint-Pétersbourg n’était pas acceptée, ceux-ci ouvriraient des négociations commerciales avec les Grecs, s’opposeraient par tous les moyens, et, s’il le fallait, par la force, à de nouvelles collisions entre les parties belligérantes, et autoriseraient leurs représentants à la conférence de Londres à assurer la pacification de l’Orient par toutes les mesures qu’ils jugeraient nécessaires. — La Note sur la Grèce avait paru en 1825. Voir, au tome IV, la note 2 de la page 322 [note 12 du Livre X de la Troisième Partie].