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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

la mer, des bois ruinés, des champs, de grandes prairies, et pas un habitant ! Je ne voyais dans une vaste étendue de pays qu’une seule maison, et cette maison était près de moi, sur le sommet de la colline. J’y vais, elle était sans porte ; je monte un escalier, j’entre dans une espèce de chambre, un oiseau de proie y avait son nid…

« Je fus quelque temps à une fenêtre de cette maison abandonnée. Je voyais à mes pieds cette côte, au temps de Pline si riche et si magnifique, maintenant sans cultivateurs. »

Depuis ma description de la campagne romaine, on a passé du dénigrement à l’enthousiasme. Les voyageurs anglais et français qui m’ont suivi ont marqué tous leurs pas de la Storta à Rome par des extases. M. de Tournon[1], dans ses Études statistiques, entre dans la voie d’admiration que j’ai eu le bonheur d’ouvrir : « La campagne romaine, dit-il, développe à chaque pas plus distinctement la sérieuse beauté de ses immenses lignes, de ses plans nombreux, et son bel encadrement de montagnes. Sa monotone grandeur frappe et élève la pensée. »

Je n’ai point à mentionner M. Simond[2], dont le

  1. Philippe-Camille, comte de Tournon (1778-1833), préfet de Rome sous l’Empire, de 1809 à 1814. La Restauration fit du préfet de Rome un préfet de Bordeaux, puis de Lyon. En 1824, M. de Tournon fut nommé pair de France. Il a publié, en 1831, d’intéressantes Études statistiques sur Rome et les États romains.
  2. Sur le Voyage en Italie de M. Simond, voy. J.-J. Ampère, la Grèce, Rome et Dante, p. 199. Cet excellent M. Simond trouve les chefs-d’œuvre de Raphaël et de Michel-Ange souverainement ridicules, et il ne s’en cache point. Il dit de la fresque de Raphaël représentant l’Incendie du Borgo : « Le dessin n’en est pas cor-