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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

On n’a point oublié tes œuvres trop récentes,
Tes hymnes à Bonald en strophes caressantes,
Et sur l’autel Rémois ton vol de séraphin ;
Ni tes vers courtisans pour tes rois légitimes,
Pour les calamités des augustes victimes,
  Et pour ton seigneur le Dauphin.

Va, les temps sont passés des sublimes extases,
Des harpes de Sion, des saintes paraphrases ;
Aujourd’hui tous ces chants expirent sans écho :
Va donc, selon tes vœux, gémir en Palestine,
Et présenter, sans peur, le nom de Lamartine
  Aux électeurs de Jéricho.

La réponse de Lamartine fut superbe. Celui-là avait vraiment dans son carquois les flèches d’Apollon :

Non, sous quelque drapeau que le barde se range,
La muse sert sa gloire et non ses passions ;
Non, je n’ai pas coupé les ailes à cet ange
Pour l’atteler hurlant au char des factions.
Non, je n’ai pas couvert du masque populaire
Son front resplendissant des feux du saint parvis,
Ni, pour fouetter et mordre irritant sa colère,
  Changé ma muse en Némésis…

Mais ces strophes vengeresses sont dans toutes les mémoires. Il suffit ici de les rappeler.

Moins illustre alors que Chateaubriand et Lamartine, mais destiné à les rejoindre dans la gloire, Balzac n’était encore que l’auteur des Chouans et des Scènes de la vie privée. Autant et plus que Lamartine et Chateaubriand, il avait la haine de la révolution et le respect de la monarchie. Le 1er mai 1831, l’auteur de Némésis publia, sous ce titre, la Statue de Napoléon, une pièce dans laquelle il jetait l’insulte aux Bourbons de la branche aînée. La lettre que lui écrivit aussitôt Balzac mérite de prendre place à côté de celle de Chateaubriand. On me saura sans doute gré de la reproduire ici.