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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

n’étaient qu’une dette de la couronne. Cette somme me mettait en liberté, je l’acceptai comme un prêt momentané, et j’écrivis au roi la lettre suivante :

Sire,

Au milieu des calamités dont il a plu à Dieu de sanctifier votre vie, vous n’avez point oublié ceux qui souffrent au pied du trône de saint Louis. Vous daignâtes me faire connaître, il y a quelques mois, votre généreux dessein de me continuer la pension de pair à laquelle je renonçai en refusant le serment au pouvoir illégitime ; je pensai que Votre Majesté avait des serviteurs plus pauvres que moi et plus dignes de ses bontés. Mais les derniers écrits que j’ai publiés m’ont causé des dommages et suscité des persécutions ; j’ai essayé inutilement de vendre le peu de chose que je possède. Je me vois forcé d’accepter, non la pension annuelle que Votre Majesté se proposait de me faire sur sa royale indigence, mais un secours provisoire pour me dégager des embarras qui m’empêchent de regagner l’asile où je pourrai vivre de mon travail. Sire, il faut que je sois bien malheureux pour me rendre à charge, même un moment, à une couronne que j’ai soutenue de tous mes efforts et que je continuerai à servir le reste de ma vie.

Le comte Ferrand (voir, au tome III, des Mémoires, l’Appendice no IV) avait accusé Chateaubriand de s’être vendu à Napoléon en 1811, pour une somme de 70 000 fr. Voici que le maréchal de Castellane l’accuse de s’être vendu à Louis-Philippe, en 1831, pour une somme de 100 000 fr. Les deux allégations se valent : elles sont, l’une et l’autre tout bonnement ridicules.

VIII

LETTRES DE GENÈVE[1].

Le 16 mai 1831, Chateaubriand était parti pour Genève, où il arriva le 23.

Lorsque Voltaire, au mois de février 1753, était allé se

  1. Ci-dessus, p. 438.