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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Rome pour agiter de nouveau la question des Ordonnances. Ces manœuvres doivent être surveillées ; elles bouleverseraient la France, sans atteindre même le but où elles visent. Il est consolant de voir la fermeté du Sacré-Collège et la sagesse avec laquelle il se refuse aux ouvertures du nonce. Celui-ci est un prélat passionné, entré beaucoup trop avant dans les intrigues d’un parti français, homme qui, dans son pays, est à la tête de la Faction de Sardaigne, et dont il est urgent de solliciter le rappel.

Le 22 mars, l’auteur du Journal note un petit incident assez singulier :

Ce matin on a été informé qu’un cardinal (Odescalchi) s’entretenait par signes avec des jésuites qui se trouvaient dans un jardin de la Compagnie, situé vis-à-vis l’édifice du Conclave. On s’est posté en observation : impossible de rien comprendre à ce langage par signes… Le cardinal a été prévenu de s’abstenir de semblables manœuvres, et sur-le-champ des ordres ont été donnés pour les empêcher désormais… Après le scrutin du soir, il a été décidé que l’on adresserait une lettre ferme et sérieuse au vicaire général des Jésuites, et qu’on règlerait sur sa réponse la conduite à tenir ultérieurement.

Chateaubriand inscrit en marge :

Il serait impossible de s’empêcher de rire du cardinal Odescalchi et du télégraphe des jésuites, si la gravité de la matière ne formait un contraste déplorable avec ces tours d’écoliers. Voilà donc à quelles ressources en est réduite une Compagnie qui se dit pieuse et un cardinal dont on loue la régularité, pour asseoir dans la chaire de Saint-Pierre quelque pontife passionné, perturbateur du repos des nations !

Le lendemain 23 mars, à l’occasion de la réponse du père Pavani, Vicaire général de la Compagnie de Jésus, à la lettre du Conclave, Chateaubriand revient sur l’incident de la veille :

Je dois avouer, écrit-il, que les Jésuites m’avaient semblé trop maltraités par l’opinion. J’ai jadis été leur défenseur, et, depuis qu’ils ont été attaqués dans ces derniers temps, je n’ai dit ni écrit un seul mot contre eux. J’avais pris Pascal pour un calom-