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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

chesse de Berry[1] ; si je m’étais absenté, on aurait cru que le parti royaliste reculait, qu’il abandonnait l’infortune et rougissait de la princesse dont il avait célébré l’héroïsme.

Il ne manquait pas de conseillers timides qui me disaient : « Faites défaut ; vous serez trop embarrassé avec votre phrase : Madame, votre fils est mon roi. — Je la crierai encore plus haut, » répondis-je. Je me rendis dans la salle même où jadis était installé le tribunal révolutionnaire ; où Marie-Antoinette avait comparu, où mon frère avait été condamné. La révolution de Juillet a fait enlever le crucifix dont la présence, en consolant l’innocence, faisait trembler le juge.

Mon apparition devant les juges a eu un effet heureux ; elle a contre-balancé un moment l’effet de la déclaration du Moniteur, et maintenu la mère de Henri V au rang où sa courageuse aventure l’avait placée : on a douté, quand on a vu que le parti royaliste osait braver l’événement et ne se tenait pas pour battu.

Je n’avais point voulu d’avocat, mais M. Ledru, qui s’était attaché à moi lors de ma détention, a voulu parler : il s’est troublé et m’a fait beaucoup de peine.

  1. Voici le texte de cette déclaration, qui fut insérée dans le Moniteur du 26 février 1833 :

    « Pressée par les circonstances, et par les mesures ordonnées par le gouvernement, quoique j’eusse les motifs les plus graves pour tenir mon mariage secret, je crois devoir à moi-même, ainsi qu’à mes enfans, de déclarer m’être mariée secrètement pendant mon séjour en Italie.

    « Marie-Caroline.
    « De la citadelle de Blaye, ce 22 février 1833. »