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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

tombée à leurs pieds ! à peine échappés à ces écroulements successifs, ils sont obligés d’en traverser de nouveau les décombres et la poussière. Quel siècle verra la fin du mouvement ?

« La Providence a voulu que les générations de passage destinées à des jours immémorés fussent petites, afin que le dommage fût de peu. Aussi voyons-nous que tout avorte, que tout se dément, que personne n’est semblable à soi-même et n’embrasse toute sa destinée, qu’aucun événement ne produit ce qu’il contenait et ce qu’il devait produire. Les hommes supérieurs de l’âge qui expire s’éteignent ; auront-ils des successeurs ? Les ruines de Palmyre aboutissent à des sables. »

De cette observation générale passant aux faits particuliers, j’expose, dans mon argumentation, qu’on pouvait agir avec madame la duchesse de Berry par des mesures arbitraires, en la considérant comme prisonnière de police, de guerre, d’État, ou en demandant aux Chambres un bill d’attainder ; qu’on pouvait la soumettre à la compétence des lois, en lui appliquant la loi d’exception Briqueville, ou la loi commune du code ; qu’on pouvait regarder sa personne comme inviolable et sacrée.

Les ministres soutenaient la première opinion, les hommes de Juillet la seconde, les royalistes la troisième.

Je parcours ces diverses suppositions : je prouve que si madame la duchesse de Berry était descendue en France, elle n’y avait été attirée que parce qu’elle entendait les opinions demander un autre présent, appeler un autre avenir.