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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Au surplus, les Stuarts se consolèrent à la vue de Rome ; ils n’étaient qu’un léger accident de plus dans ces vastes décombres, une petite colonne brisée, élevée au milieu d’une grande voirie de ruines. Leur race, en disparaissant du monde, eut encore cet autre réconfort : elle vit tomber la vieille Europe, la fatalité attachée aux Stuarts entraîna avec eux dans la poussière les autres rois, parmi lesquels se trouvait Louis XVI, dont l’aïeul avait refusé un asile au descendant de Charles Ier, et Charles X est mort dans l’exil à l’âge du cardinal d’York, et son fils et son petit-fils sont errants sur la terre !

Le voyage de Lalande[1] en Italie, en 1765 et 1766, est encore ce qu’il y a de mieux et de plus exact sur la Rome des arts et sur la Rome antique. « J’aime à lire les historiens et les poètes, dit-il, mais on ne saurait les lire avec plus de plaisir qu’en foulant la terre qui les portait, en se promenant sur les collines qu’ils décrivent, en voyant couler les fleuves qu’ils ont chantés. » Ce n’est pas trop mal pour un astronome qui mangeait des araignées.

Duclos[2], à peu près aussi décharné que Lalande,

  1. Joseph-Jérôme Le Français de Lalande (1732-1807). Il fut reçu à l’Académie des Sciences, en 1753, à l’âge de vingt-et-un ans ; nommé en 1762 professeur d’astronomie au Collège de France, il remplit cette chaire pendant 46 ans avec le plus grand succès. Alors que ses nombreux et remarquables travaux avaient rendu son nom populaire, il chercha hors de la science les moyens de faire parler encore plus de lui. Il se singularisa, soit par des goûts bizarres (il mangeait, dit-on, des araignées, des chenilles), soit par des opinions impies, et se fit gloire d’être athée. Il avait publié, en 1769, le Voyage d’un Français en Italie, 8 vol. in-12.
  2. Charles Pinot, sieur Duclos, membre de l’Académie française. Il était compatriote de Chateaubriand, et il en a déjà été