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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Genève, octobre 1832.

Le prince Louis-Napoléon m’ayant donné sa brochure intitulée : Rêveries politiques, je lui ai écrit cette lettre :

« Prince,

« J’ai lu avec attention la petite brochure que vous avez bien voulu me confier. J’ai mis par écrit, comme vous l’avez désiré, quelques réflexions naturellement nées des vôtres et que j’avais déjà soumises à votre jugement. Vous savez, prince, que mon jeune roi est en Écosse, que tant qu’il vivra il ne peut y avoir pour moi d’autre roi de France que lui ; mais si Dieu, dans ses impénétrables conseils, avait rejeté la race de saint Louis, si les mœurs de notre patrie ne lui rendaient pas l’état républicain possible, il n’y a pas de nom qui aille mieux à la gloire de la France que le vôtre.

« Je suis, etc., etc.,

« Chateaubriand.
Paris, rue d’Enfer, janvier 1833.

J’avais beaucoup rêvé de cet avenir prochain que je m’étais fait et auquel je croyais toucher. À la tombée du jour, j’allais vaguer dans les détours de l’Arve, du côté de Salève. Un soir, je vis entrer M. Berryer ; il revenait de Lausanne et m’apprit l’arrestation de madame la duchesse de Berry[1] ; il n’en savait pas les

  1. La duchesse de Berry avait été arrêtée à Nantes — on sait dans quelles circonstances — le 7 novembre 1832. Le 12 novembre, Berryer entrait dans le cabinet de Chateaubriand, à Genève, et lui apprenait la nouvelle, sans pouvoir d’ailleurs lui donner aucun détail. Chateaubriand partit aussitôt pour Paris.