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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

lettre de M. de Béranger, en réponse à celle que je lui avais écrite en partant de Paris : cette lettre a déjà été imprimée en note, avec une lettre de M. Carrel, dans le Congrès de Vérone[1].

Genève, septembre 1832.

En allant de Lucerne à Constance, on passe par Zurich et Winterthur. Rien ne m’a plu à Zurich, hors le souvenir de Lavater et de Gessner, les arbres d’une esplanade qui domine les lacs, le cours de la Limath, un vieux corbeau et un vieil orme ; j’aime mieux cela que tout le passé historique de Zurich, n’en déplaise même à la bataille de Zurich. Napoléon et ses capitaines, de victoires en victoires, ont amené les Russes à Paris.

Winterthur est une bourgade neuve et industrielle, ou plutôt une longue rue propre. Constance a l’air de n’appartenir à personne ; elle est ouverte à tout le monde. J’y suis entré le 27 août, sans avoir vu un douanier ou un soldat, et sans qu’on m’ait demandé mon passe-port.

Madame Récamier était arrivée depuis trois jours[2],

  1. La lettre de Béranger est du 19 août 1832 ; celle d’Armand Carrel du 4 octobre 1834. Elles ont été imprimées toutes les deux à la fin du Congrès de Vérone, t. II, p. 455 et suivantes.
  2. Mme Récamier, très effrayée par le choléra, qui avait fait autour d’elle, dans la rue de Sèvres, de très nombreuses victimes, s’était décidée, au mois d’août, à quitter Paris et à faire un voyage en Suisse. Malgré son réel courage, et bien qu’on l’ait vue souvent prodiguer sans effroi ses soins à des personnes atteintes de maladies contagieuses, elle avait une terreur invincible et presque superstitieuse du choléra. Était-ce un pressentiment ? Elle mourut du choléra le 11 mai 1849. « Après avoir succombé à ce fléau qui laisse ordinairement sur ses victimes