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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

crements ministériels ; une femme enthousiaste accourut de Beauvais afin d’admirer ma gloire ; M. Villemain fit acte de courage ; M. Dubois[1], M. Ampère[2], M. Lenormant[3], mes généreux et savants jeunes amis, ne m’oublièrent pas ; l’avocat des républicains, M. Ch. Ledru[4], ne me quittait plus : dans l’espoir d’un procès, il grossissait l’affaire, et il eût payé de tous ses honoraires le bonheur de me défendre.

M. Gisquet m’avait offert, comme je vous l’ai dit, tous ses salons ; mais je n’abusai pas de la permission. Seulement, un soir, je descendis pour entendre, assis entre lui et sa femme, mademoiselle Gisquet jouer du piano. Son père la gronda et prétendit qu’elle

  1. Paul-François Dubois (1793-1874). Il avait fondé, en 1824, avec Pierre Leroux, le journal le Globe. De 1831 à 1848, il fut député de Nantes, ce qui lui valait d’être appelé par les petits journaux Dubois (de la Gloire-Inférieure). Nommé inspecteur général de l’Université dès le mois d’octobre 1830, il fut appelé en 1840 à la direction de l’École normale, fonctions qu’il conserva jusqu’en 1850. Il fut élu, le 13 avril 1870, membre de l’Académie des sciences morales et politiques.
  2. Jean-Jacques Ampère, fils du célèbre physicien (1800-1864) ; membre de l’Académie française et de l’Académie des inscriptions et belles-lettres. Il fut l’un des plus fidèles admirateurs de Chateaubriand, fidélité d’autant plus méritoire que Mme Récamier lui avait inspiré, dès sa jeunesse, une passion ardente et que le temps ne put affaiblir.
  3. Charles Lenormant (1802-1859), membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres. Il avait épousé, en 1826, Mlle Amélie Cyvoct, nièce de Mme Récamier.
  4. Charles Ledru, jeune avocat, doué d’un vrai talent, et à qui ses plaidoyers politiques avaient valu une quasi-célébrité. Il allait bientôt être effacé par un autre avocat républicain, du même nom que lui, Auguste Ledru. Ce dernier, voulant éviter la confusion qui n’aurait pas manqué de s’établir entre lui et Charles Ledru, ajouta à son nom celui de sa bisaïeule maternelle, et s’appela Ledru-Rollin.