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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

conséquent envieux et irritable, comme tout ce qui barbouille du papier dans un parti triomphant.

Le protégé de M. Guizot, trouvant mon nom et ceux de M. le duc de Fitz-James et de M. Hyde de Neuville mêlés dans le procès que l’on poursuivait à Nantes contre M. Berryer, écrivit au ministre de la justice que, s’il était le maître, il ne manquerait pas de nous faire arrêter et de nous joindre au procès, à la fois comme complices et comme pièces à conviction. M. de Montalivet avait cru devoir céder aux avis de M. Hello ; il fut un temps où M. de Montalivet venait humblement chez moi prendre mes conseils et mes idées sur les élections et la liberté de la presse. La Restauration, qui a fait un pair de M. de Montalivet, n’a pu en faire un homme d’esprit, et voilà sans doute pourquoi elle lui fait mal au cœur aujourd’hui[1].

M. Desmortiers, le juge d’instruction, entra donc dans ma petite chambre ; un air doucereux était étendu comme une couche de miel sur un visage contracté et violent.

Je m’appelle Loyal, natif de Normandie,
Et suis huissier à verge, en dépit de l’envie.

M. Desmortiers était naguère de la congrégation[2],

    (7 août 1843). Il avait été un instant député du Morbihan (1842-1843). Il aimait en effet à écrire et avait publié en 1827 un Essai sur le régime constitutionnel ou Introduction à l’étude de la Charte. Son principal livre, Philosophie de l’Histoire de France (1840) a été couronné par l’Académie française. Un de ses fils, Ernest Hello, mort en 1885, a laissé plusieurs ouvrages, l’Homme, Paroles de Dieu, etc., qui lui assurent un rang éminent parmi les penseurs et les écrivains de notre temps.

  1. Voir, sur M. de Montalivet, au tome IV, la note de la page 315 (note 2 du Livre X de la Troisième Partie).
  2. Voici une des très rares erreurs de fait qui se rencontrent