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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

venu, le capitaine des mouchards dit à ses subordonnés : « Messieurs, faites votre devoir ! » Le devoir de ces messieurs était d’ouvrir toutes les armoires, de fouiller toutes les poches, de se saisir de tous papiers, lettres et documents, de lire iceux, si faire se pouvait, et de découvrir toutes armes, comme il appert aux termes du susdit mandat.

Après lecture prise de la pièce, m’adressant au respectable chef de ces voleurs d’hommes et de libertés : « Vous savez, monsieur, que je ne reconnais point votre gouvernement, que je proteste contre la violence que vous me faites ; mais, comme je ne suis pas le plus fort et que je n’ai nulle envie de me colleter avec vous, je vais me lever et vous suivre : donnez-vous, je vous prie, la peine de vous asseoir. »

Je m’habillai et, sans rien prendre avec moi, je dis au vénérable commissaire : « Monsieur, je suis à vos ordres : allons-nous à pied ? — Non, monsieur, j’ai eu soin de vous amener un fiacre. — Vous avez bien de la bonté, monsieur, partons ; mais souffrez que j’aille dire adieu à madame de Chateaubriand. Me permettez-vous d’entrer seul dans la chambre de ma femme ? — Monsieur, je vous accompagnerai jusqu’à la porte et je vous attendrai. — Très bien, monsieur ; » et nous descendîmes.

Partout, sur mon chemin, je trouvai ses sentinelles ; on avait posé une vedette jusque sur le boulevard, à une petite porte qui s’ouvre à l’extrémité de mon jardin. Je dis au chef : « Ces précautions-là étaient très inutiles ; je n’ai pas la moindre envie de vous fuir et de m’échapper. » Les messieurs avaient bousculé