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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

ans. J’étais allé le 19 juin à l’enterrement de la pauvre Élisa, dont la jolie madame Delessert terminait le portrait, quand la mort y mit le dernier coup de pinceau. Revenu dans ma solitude, rue d’Enfer, je m’étais couché plein de ces mélancoliques pensées qui naissent de l’association de la jeunesse, de la beauté et de la tombe. Le 20 juin,[1] à quatre heures du matin, Baptiste, à mon service depuis longtemps, entre dans ma chambre, s’approche de mon lit et me dit : « Mon-

    cosse. À dix-huit ans, après de brillantes études à l’Université de Glasgow, il était venu chez nous par simple curiosité, pour voir la Révolution. Arrêté et jeté en prison à Dijon pendant la Terreur, il ne recouvra la liberté qu’après le 18 brumaire. Le premier Consul autorisa le jeune Frisell, comme savant, à résider sur le continent, au moment où tous les Anglais y étaient suspects ; ce séjour se prolongea si bien qu’il resta presque toujours en France, au grand déplaisir de sa famille. La France et l’Italie furent ses séjours de prédilection. Il écrivait beaucoup, mais on n’a de lui qu’un seul ouvrage : De la Constitution de l’Angleterre, remarquablement écrit en français ; de tout le reste de ses œuvres, il ne voulut rien publier. Il connut, sous l’Empire, M. et Mme de Chateaubriand, et ne cessa de leur rester très attaché jusqu’à sa mort, qui précéda de peu celle de ses deux vieux amis. Il mourut à Torquay, en Devonshire, au mois de février 1846 : quelques semaines avant sa fin, il s’était converti au catholicisme. Voyez, dans le Correspondant du 25 septembre 1897, l’article de M. J. Fraser, Un ami de Chateaubriand.

  1. Il y a ici une petite erreur. Chateaubriand, ainsi que ses amis Hyde de Neuville et Fitz-James, fut arrêté le 16 juin. On trouve tous les détails de son arrestation dans les journaux du 17. Hyde de Neuville (t. III, p. 474) donne bien la vraie date, celle du 16. Il est d’ailleurs probable que la date du 20, dans les Mémoires d’Outre-tombe, est une faute de copiste. Chateaubriand, qui, dans tout le cours de ses Mémoires, n’a pas une seule fois erré sur les dates, a dû ici d’autant moins se tromper qu’il a écrit le récit de son arrestation au lendemain même de l’événement, au mois de juillet 1832. — Voir l’Appendice, no XI : l’Arrestation de Chateaubriand.