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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

s’en va pas, il s’agit de mourir, et voilà tout ; et puis, messieurs du conseil, faites pendre Walter Scott, car c’est lui qui est le vrai coupable[1]. » Je fus d’avis d’écrire notre sentiment à la princesse. M. Berryer, se disposant à aller plaider un procès à Quimper[2], s’est généreusement proposé pour porter

  1. Il y avait beaucoup de vrai dans le mot du capitaine. Le plus récent historien de la duchesse de Berry, M. Imbert de Saint-Amand, nous la montre au château d’Holyrood, en Écosse, évoquant les souvenirs des Stuarts, jeune, vaillante, enthousiaste, la tête pleine de projets, le cœur plein d’espérances ; et il ajoute : « Les romans et l’histoire, qui est le roman écrit par Dieu, avaient exalté l’imagination de la vaillante princesse. Les souvenirs de Marie Stuart, d’Henri IV, du prétendant Charles-Edouard se croisaient dans son esprit avec les inventions de Walter Scott. Comme Marie Stuart, elle voulait, en risquant sa vie, lutter contre la fortune et affronter tous les dangers ; comme son aïeul le Béarnais, elle voulait avoir ses victoires d’Arques et d’Ivry. Comme Charles-Edouard, elle voulait tenter une expédition insensée à force d’audace. Édimbourg, patrie du grand romancier, son auteur favori, lui remémorait toutes les fictions dont elle avait été charmée. Elle songeait aux prouesses jacobites de Diana Vernon, d’Alice Lee, et de Flora Mac-lvor. » (La duchesse de Berry en Vendée, p. 35.) — L’historien de la Monarchie de Juillet, M. Thureau-Dangin, écrit, de son côté : « Pour beaucoup des partisans de la duchesse de Berry, il s’agissait moins d’exécuter un dessein politique mûrement médité que de transporter en pleine France bourgeoise de 1830 une chevaleresque aventure, quelque chose comme la mise en action d’un récit de Walter Scott, qui régnait alors souverainement sur toutes les têtes romanesques. Un peu plus tard, quand Madame se trouvait en Vendée, un royaliste disait aux politiques du parti, fort embarrassés et mécontents de cette équipée : « Messieurs, faites pendre Walter Scott, car c’est lui le vrai coupable. » (Thureau-Dangin, t. II).
  2. Ce n’est pas à Quimper, mais à Vannes, que Berryer devait aller plaider un procès, celui du commandant Guillemot, prévenu de chouannerie, et traduit de ce chef devant la cour d’assises du Morbihan. L’affaire du commandant Guillemot était fixée au 12 juin.