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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

proclamation sur le choléra, a fait entendre que ces méchants carlistes pourraient bien être les empoisonneurs du vin dont le peuple avait déjà fait bonne justice[1]. L’illustre champion m’a donc écrit la lettre suivante :

« Paris, le 18 avril 1832.
« Monsieur,

« J’étais absent de la mairie quand la personne envoyée par vous s’y est présentée : cela vous expliquera le retard qu’a éprouvé ma réponse.

« M. le préfet de la Seine, n’ayant point accepté l’argent que vous êtes chargé de lui offrir, me semble avoir tracé la conduite que doivent suivre les

  1. La proclamation de M. Cadet de Gassicourt fut affichée sur les murs de Paris le 4 avril 1832. Voici quelques extraits de cette pièce, où l’odieux le dispute au ridicule et qui était une véritable excitation à l’égorgement des Carlistes : — « Les agents de ceux que vous avez chassés se glissent au milieu du peuple et le poussent à la révolte, pour venger la défaite de Charles X et le ramener de son exil, avec son petit-fils, sous la protection des baïonnettes étrangères et à la faveur de la guerre civile. S’il est des empoisonneurs, ce ne peuvent être que les incendiaires de la Restauration ; s’il est des misérables qui, soit par des crimes, soit par des calomnies atroces, cherchent à organiser le désordre et à exploiter un déplorable fléau, ce sont les alliés des chouans, des assassins de l’Ouest et du Midi. Quelle joie, quel triomphe pour eux, s’ils parvenaient à déchirer le sein de la France par la main des Français ! Vous les verriez bientôt rentrer sur vos cadavres, à la tête des Verdets et à la suite des hordes barbares, arracher le drapeau tricolore, le remplacer par le drapeau blanc et par la croix des missionnaires ! C’est ainsi qu’ils ont nourri de tout temps leurs trames… » — Puis, après avoir évoqué ces deux autres spectres, le « milliard de l’indemnité » et le « fer des Suisses », le maire du 4e arrondissement terminait en disant : « Citoyens, défiez-vous de vos anciens tyrans, qui sont habiles à prendre tous les moyens et ne rougissent pas d’avoir pour auxiliaire un horrible fléau ! »