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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

éternité ; elle ne présenterait aucun changement aux habitants des autres planètes ; ils la verraient accomplir ses fonctions accoutumées ; sur sa surface, nos petits travaux, nos villes, nos monuments seraient remplacés par des forêts rendues à la souveraineté des lions ; aucun vide ne se manifesterait dans l’univers. Et cependant il y aurait de moins cette intelligence humaine qui sait les astres et s’élève jusqu’à la connaissance de leur auteur. Qu’êtes-vous donc, ô immensité des œuvres de Dieu, où le génie de l’homme, qui équivaut à la nature entière, s’il venait à disparaître, ne ferait pas plus faute que le moindre atome retranché de la création !

« Paris, rue d’Enfer, mai 1832.

Madame de Berry a son petit conseil à Paris, comme Charles X a le sien : on recueillait en son nom de chétives sommes pour secourir les plus pauvres royalistes. Je proposai de distribuer aux cholériques une somme de douze mille francs de la part de la mère de Henri V. On écrivit à Massa, et non seulement la princesse approuva la disposition des fonds, mais elle aurait voulu qu’on eût réparti une somme plus considérable : son approbation arriva le jour même où j’envoyai l’argent aux mairies. Ainsi, tout est rigoureusement vrai dans mes explications sur le don de l’exilée. Le 14 d’avril, j’envoyai au préfet de la Seine la somme entière pour être distribuée à la classe indigente de la population de Paris atteinte de la contagion. M. de Bondy ne se trouva point à l’Hôtel de Ville lorsque ma lettre lui fut portée. Le secrétaire général ouvrit ma missive, ne se crut pas autorisé à recevoir l’argent.