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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Rappelant enfin à Madame qu’elle a bien voulu songer à moi pour faire partie du gouvernement secret, je termine ainsi ma lettre :

« À Lisbonne s’élève un magnifique monument sur lequel on lit cette épitaphe : Ci-gît Basco Fuguera contre sa volonté. Mon mausolée sera modeste, et je n’y reposerai pas malgré moi.

« Vous connaissez, madame, l’ordre d’idées dans lequel j’aperçois la possibilité d’une restauration ; les autres combinaisons seraient au-dessus de la portée de mon esprit ; je confesserais mon insuffisance. C’est ostensiblement, et en me proclamant l’homme de votre aveu, de votre confiance, que je trouverais quelque force ; mais, ministre plénipotentiaire de nuit, chargé d’affaires accrédité auprès des ténèbres, c’est à quoi je ne me sentirais aucune aptitude. Si Votre Altesse Royale me nommait patemment son ambassadeur auprès du peuple de la nouvelle France, j’inscrirais en grosses lettres sur ma porte : Légation de l’ancienne France. Il en arriverait ce qu’il plairait à Dieu ; mais je n’entendrais rien aux dévouements secrets ; je ne sais me rendre coupable de fidélité que par le flagrant délit.

« Madame, sans refuser à Votre Altesse Royale les services qu’elle aura le droit de me commander, je la supplie d’agréer le projet que j’ai formé d’achever mes jours dans la retraite. Mes idées ne peuvent convenir aux personnes qui ont la confiance des nobles exilés d’Holy-Rood : le malheur passé, l’antipathie naturelle contre mes principes et ma personne renaîtrait avec la prospérité. J’ai vu repousser