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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

ne nourrissais guère, mais que je cherchais à grossir pour consoler la princesse, je continue :

« Voilà, madame, l’état précaire de la quasi-légitimité à l’intérieur ; à l’extérieur, sa position n’est pas plus assurée. Si le gouvernement de Louis-Philippe avait senti que la révolution de Juillet biffait les transactions antécédentes, qu’une autre constitution nationale amenait un autre droit politique et changeait les intérêts sociaux ; s’il avait eu, au début de sa carrière, jugement et courage, il aurait pu, sans brûler une seule amorce, doter la France de la frontière qui lui a été enlevée, tant était vif l’assentiment des peuples, tant était grande la stupéfaction des rois. La quasi-légitimité aurait payé sa couronne argent comptant avec un accroissement de territoire et se serait retranchée derrière ce boulevard. Au lieu de profiter de son élément républicain pour marcher vite, elle a eu peur de son principe ; elle s’est traînée sur le ventre ; elle a abandonné les nations soulevées pour elle et par elle ; elle les a rendues adverses, de clientes qu’elles étaient ; elle a éteint l’enthousiasme guerrier, elle a changé en un pusillanime souhait de paix un désir éclairé de rétablir l’équilibre des forces entre nous et les États voisins, de réclamer au moins auprès de ces États, démesurément agrandis, les lambeaux détachés de notre vieille patrie. Par faillance de cœur et défaut de génie, Louis-Philippe a reconnu des traités qui ne sont point de la nature de la révolution, traités avec lesquels elle ne peut vivre et que les étrangers ont eux-mêmes violés,

« Le juste-milieu a laissé aux cabinets étrangers le