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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

matisent l’indépendance en faisant assommer les citoyens dans les rues et en entassant les écrivains dans les geôles ; ils entonnent des chants de triomphe en évacuant la Belgique sur l’injonction d’un ministre anglais, et bientôt Ancône sur l’ordre d’un caporal autrichien. Entre les huis de Sainte-Pélagie et les portes des cabinets de l’Europe, ils se prélassent, tout guindés de liberté et tout crottés de gloire.

« Ce que j’ai dit concernant les dispositions de la France ne doit pas décourager Votre Altesse Royale ; mais je voudrais que l’on connût mieux la route qui conduit au trône de Henri V.

« Vous savez ma manière de penser relativement à l’éducation de mon jeune roi : mes sentiments se trouvent exprimés à la fin de la brochure que j’ai déposée aux pieds de Votre Altesse Royale : je ne pourrais que me répéter. Que Henri V soit élevé pour son siècle, avec et par les hommes de son siècle ; ces deux mots résument tout mon système. Qu’il soit élevé surtout pour n’être pas roi. Il peut régner demain, il peut ne régner que dans dix ans, il peut ne régner jamais : car si la légitimité a les diverses chances de retour que je vais à l’instant déduire, néanmoins l’édifice actuel pourrait crouler sans qu’elle sortît de ses ruines. Vous avez l’âme assez ferme, madame, pour supposer, sans vous laisser abattre, un jugement de Dieu qui replongerait votre illustre race dans les sources populaires ; de même que vous avez le cœur assez grand pour nourrir de justes espérances sans vous en laisser enivrer. Je dois maintenant vous présenter cette autre partie du tableau.