Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t5.djvu/476

Cette page a été validée par deux contributeurs.
462
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Paris, rue d’Enfer, fin de mars 1832.

Ces voyages et ces combats finirent pour moi l’année 1831 : au commencement de cette année 1832, autre tracasserie.

La révolution de Paris avait laissé sur le pavé de Paris une foule de Suisses, de gardes du corps, d’hommes de tous états nourris par la cour, qui mouraient de faim et que de bonnes têtes monarchiques, jeunes et folles sous leurs cheveux gris, imaginèrent d’enrôler pour un coup de main.

Dans ce formidable complot[1], il ne manquait pas de personnes graves, pâles, maigres, transparentes, courbées, le visage noble, les yeux encore vifs, la tête blanchie ; ce passé ressemblait à l’honneur ressuscité venant essayer de rétablir, avec ses mains d’ombre, la famille qu’il n’avait pu soutenir de ses vivantes mains. Souvent des gens à béquilles prétendent étayer les monarchies croulantes ; mais, à cette époque de la société, la restauration d’un monument du moyen âge est impossible, parce que le génie qui animait cette architecture est mort : on ne fait que du vieux en croyant faire du gothique.

D’un autre côté, les héros de Juillet, à qui le juste-milieu avait filouté la République, ne demandaient pas mieux que de s’entendre avec les carlistes pour se venger d’un ennemi commun, quitte à s’égorger

  1. La Conspiration de la rue des Prouvaires. Dans le procès auquel donna lieu cette affaire, et dont il sera parlé dans la note suivante, des noms considérables retentirent, tels que ceux du maréchal Victor, duc de Bellune, du duc de Rivière, du baron de Mestre, des comtes de Fourmont, de Brulard et de Floirac, de la comtesse de Sérionne.