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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

partie de cet ouvrage ; il me semble que j’ai doublé le cap des tempêtes, et pénétré dans une région de paix et de silence. Si j’étais mort le 7 août de cette année, les dernières paroles de mon discours à la Chambre des pairs eussent été les dernières lignes de mon histoire ; ma catastrophe, étant celle même d’un passé de douze siècles, aurait grandi ma mémoire. Mon drame eût magnifiquement fini.

Mais je ne suis pas demeuré sous le coup, je n’ai pas été jeté à terre. Pierre de L’Estoile écrivait cette page de son journal le lendemain de l’assassinat de Henri IV :

« Et icy je finis avec la vie de mon roy (Henry IV) le deuxième registre de mes passe-temps mélancholiques et de mes vaines et curieuses recherches, tant publiques que particulières, interrompues souvent depuis un mois par les veilles des tristes et fascheuses nuicts que j’ai souffert, mesmement cette dernière, pour la mort de mon roy.

« Je m’estois proposé de clore mes éphémérides par ce registre ; mais tant d’occurrences nouvelles et curieuses se sont présentées par cette insigne mutation, que je passe à un autre qui ira aussi avant qu’il plaira à Dieu : et me doute que ce ne sera pas bien long. »

L’Estoile vit mourir le premier Bourbon ; je viens de voir tomber le dernier : ne devrais-je pas clore ici le registre de mes passe-temps mélancholiques et de mes vaines et curieuses recherches. Peut-être ; mais tant d’occurrences nouvelles et curieuses se sont présentées par cette insigne mutation, que je passe à un autre registre.