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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

raire, Bonaparte a disparu ; Charles X, en tombant, a fermé ma carrière politique.

J’ai fixé l’époque d’une révolution dans les lettres, et de même dans la politique j’ai formulé les principes du gouvernement représentatif ; mes correspondances diplomatiques valent, je crois, mes compositions littéraires[1]. Il est possible que les unes et les autres ne soient rien, mais il est sûr qu’elles sont équipollentes.

En France, à la tribune de la Chambre des pairs et dans mes écrits, j’exerçai une telle influence, que je fis entrer d’abord M. de Villèle au ministère, et qu’ensuite il fut contraint de se retirer devant mon opposition, après s’être fait mon ennemi. Tout cela est prouvé par ce que vous avez lu.

Le grand événement de ma carrière politique est la guerre d’Espagne. Elle fut pour moi, dans cette car-

  1. Chateaubriand ne disait ici rien que de vrai. Ses correspondances diplomatiques sont des chefs-d’œuvre. Un juge autorisé, l’auteur de la Politique de la Restauration en 1822 et 1823, n’a rien exagéré, lorsqu’il a écrit : « Réunissez tout ce que nous font lire ici les Mémoires d’Outre-tombe, aux dépêches que l’Histoire du Congrès de Vérone et la Politique de la Restauration ont mises sous vos yeux, et vous aurez une sorte de manuel de l’art de la Négociation écrite. On ne rend pas encore une justice complète à la direction imprimée alors à la France par M. de Chateaubriand, à cette correspondance intime qu’il adressait, toute de sa main, aux quatre coins de l’Europe ; enfin à son action personnelle toujours mise en avant et à la place de l’action de ses collaborateurs subalternes : l’exercice sans doute en a été trop court, ou peut-être l’éclat de ses œuvres littéraires a-t-il fait pâlir cette part de sa renommée ; mais, en la signalant à nos jeunes successeurs, qui fréquentent aujourd’hui le vestibule du métier, les archives des Affaires étrangères, nous ne nous lasserons pas de leur dire que nul athlète, dans les temps modernes, n’a tenu d’une main plus ferme et porté plus avant les armes du combat politique et le sceptre de la diplomatie. » (M. de Marcellus, Chateaubriand et son temps, p. 395.)