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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

qui sont la loi des êtres ; alors, il vivra dans une atmosphère appropriée à sa nature.

L’erreur du parti républicain, l’illusion du parti légitimiste sont l’une et l’autre déplorables, et dépassent la démocratie et la royauté : le premier croit que la violence est le seul moyen de succès ; le second croit que le passé est le seul port de salut. Or, il y a une loi morale qui règle la société, une légitimité générale qui domine la légitimité particulière. Cette grande loi et cette grande légitimité sont la jouissance des droits naturels de l’homme, réglés par les devoirs ; car c’est le devoir qui crée le droit, et non le droit qui crée le devoir ; les passions et les vices vous relèguent dans la classe des esclaves. La légitimité générale n’aurait eu aucun obstacle à vaincre, si elle avait gardé, comme étant de même principe, la légitimité particulière.

Au surplus, une observation suffira pour nous faire comprendre la prodigieuse et majestueuse puissance de la famille de nos anciens souverains : je l’ai déjà dit et je ne saurais trop le répéter, toutes les royautés mourront avec la royauté française.

En effet, l’idée monarchique manque au moment même où manque le monarque ; on ne trouve plus autour de soi que l’idée démocratique. Mon jeune roi emportera dans ses bras la monarchie du monde. C’est bien finir.

Lorsque j’écrivais tout ceci sur ce que pourrait être la révolution de 1830 dans l’avenir, j’avais de la peine à me défendre d’un instinct qui me parlait contradictoirement au raisonner. Je prenais cet instinct pour