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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

une superfétation d’un jour ; ne nous figurons pas que la légitimité va venir rétablir incontinent la succession par droit de primogéniture : n’allons pas non plus nous persuader que Juillet mourra tout à coup de sa belle mort. Sans doute, la branche d’Orléans ne prendra pas racine ; ce ne sera pas pour ce résultat que tant de sang, de calamité et de génie aura été dépensé depuis un demi-siècle ! Mais Juillet, s’il n’amène pas la destruction finale de la France avec l’anéantissement de toutes les libertés, Juillet portera son fruit naturel : ce fruit est la démocratie. Ce fruit sera peut-être amer et sanglant ; mais la monarchie est une greffe étrangère qui ne prendra pas sur une tige républicaine.

Ainsi, ne confondons pas le roi improvisé avec la révolution dont il est né par hasard : celle-ci, telle que nous la voyons agir, est en contradiction avec ses principes ; elle ne semble pas née viable, parce qu’elle est muletée d’un trône ; mais qu’elle se traîne seulement quelques années, cette révolution, ce qui sera venu, ce qui s’en sera allé changera les données qui restent à connaître. Les hommes faits meurent ou ne voient plus les choses comme ils les voyaient ; les adolescents atteignent l’âge de raison ; les générations nouvelles rafraîchissent des générations corrompues ; les langes trempés des plaies d’un hôpital, rencontrés par un grand fleuve, ne souillent que le flot qui passe sous ces corruptions : en aval et en amont le courant garde ou reprend sa limpidité.

Juillet, libre dans son origine, n’a produit qu’une monarchie enchaînée ; mais viendra le temps où, débarrassé de sa couronne, il subira ces transformations