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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

la terreur de la République et le joug de fer de l’Empire, alors ce peuple s’est armé de son intelligence et de son courage ; il s’est trouvé que ces boutiquiers respiraient assez facilement la fumée de la poudre, et qu’il fallait plus de quatre soldats et un caporal pour les réduire. Un siècle n’aurait pas autant mûri les destinées d’un peuple que les trois derniers soleils qui viennent de briller sur la France. Un grand crime a eu lieu ; il a produit l’énergique explosion d’un principe : devait-on, à cause de ce crime et du triomphe moral et politique qui en a été la suite, renverser l’ordre de choses établi ? Examinons :

« Charles X et son fils sont déchus ou ont abdiqué, comme il vous plaira de l’entendre ; mais le trône n’est pas vacant : après eux venait un enfant ; devait-on condamner son innocence ?

« Quel sang crie aujourd’hui contre lui ? oseriez-vous dire que c’est celui de son père ? Cet orphelin, élevé aux écoles de la patrie dans l’amour du gouvernement constitutionnel et dans les idées de son siècle, aurait pu devenir un roi en rapport avec les besoins de l’avenir. C’est au gardien de sa tutelle que l’on aurait fait jurer la déclaration sur laquelle vous allez voter ; arrivé à sa majorité, le jeune monarque aurait renouvelé le serment. Le roi présent, le roi actuel aurait été M. le duc d’Orléans, régent du royaume, prince qui a vécu près du peuple, et qui sait que la monarchie ne peut être aujourd’hui qu’une monarchie de consentement et de raison. Cette combinaison naturelle m’eût semblé un grand moyen de conciliation, et aurait peut-être sauvé à