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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

toire. Eh bien ! toute monarchie nouvelle sera forcée, ou plus tôt ou plus tard, de bâillonner cette liberté. Napoléon lui-même a-t-il pu l’admettre ? Fille de nos malheurs et esclave de notre gloire, la liberté de la presse ne vit en sûreté qu’avec un gouvernement dont les racines sont déjà profondes. Une monarchie, bâtarde d’une nuit sanglante, n’aurait-elle rien à redouter de l’indépendance des opinions ? Si ceux-ci peuvent prêcher la république, ceux-là un autre système, ne craignez-vous pas d’être bientôt obligés de recourir à des lois d’exception, malgré l’anathème contre la censure ajouté à l’article 8 de la charte ?

« Alors, amis de la liberté réglée, qu’aurez-vous gagné au changement qu’on vous propose ? Vous tomberez de force dans la république, ou dans la servitude légale. La monarchie sera débordée et emportée par le torrent des lois démocratiques, ou le monarque par le mouvement des factions.

« Dans le premier enivrement d’un succès, on se figure que tout est aisé ; on espère satisfaire toutes les exigences, toutes les humeurs, tous les intérêts ; on se flatte que chacun mettra de côté ses vues personnelles et ses vanités ; on croit que la supériorité des lumières et la sagesse du gouvernement surmonteront des difficultés sans nombre ; mais, au bout de quelques mois, la pratique vient démentir la théorie.

« Je ne vous présente, messieurs, que quelques-uns des inconvénients attachés à la formation d’une république ou d’une monarchie nouvelle. Si l’une et l’autre ont des périls, il restait un troisième