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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

serait d’amener les Français à un vote unanime. Quel droit la population de Paris aurait-elle de contraindre la population de Marseille ou de telle autre ville de se constituer en république ? Y aurait-il une seule république ou vingt ou trente républiques ? Seraient-elles fédératives ou indépendantes ? Passons par-dessus ces obstacles. Supposons une république unique : avec notre familiarité naturelle, croyez-vous qu’un président, quelque grave, quelque respectable, quelque habile qu’il puisse être, soit un an à la tête des affaires sans être tenté de se retirer ? Peu défendu par les lois et par les souvenirs, contrarié, avili, insulté soir et matin par des rivaux secrets et par des agents de trouble, il n’inspirera pas assez de confiance au commerce et à la propriété ; il n’aura ni la dignité convenable pour traiter avec les cabinets étrangers, ni la puissance nécessaire au maintien de l’ordre intérieur. S’il use de mesures révolutionnaires, la République deviendra odieuse ; l’Europe inquiète profitera de ces divisions, les fomentera, interviendra, et l’on se trouvera de nouveau engagé dans des luttes effroyables. La république représentative est sans doute l’état futur du monde, mais son temps n’est pas encore arrivé.

« Je passe à la monarchie.

« Un roi nommé par les Chambres ou élu par le peuple sera toujours, quoi qu’on fasse, une nouveauté. Or, je suppose qu’on veut la liberté, surtout la liberté de la presse, par laquelle et pour laquelle le peuple vient de remporter une si étonnante vic-