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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

m’avaient toujours montrée, malgré mes services. Elle me dit que si je voulais rentrer au ministère des affaires étrangères, S. A. R. se ferait un grand bonheur de me réintégrer dans cette place ; mais que j’aimerais peut-être mieux retourner à Rome, et qu’elle (madame la duchesse d’Orléans) me verrait prendre ce dernier parti avec un extrême plaisir, dans l’intérêt de notre sainte religion.

« Madame, répondis-je sur-le-champ avec une sorte de vivacité, je vois que le parti de monsieur le duc d’Orléans est pris, qu’il en a pesé les conséquences, qu’il a vu les années de misères et de périls divers qu’il aura à traverser ; je n’ai donc plus rien à dire. Je ne viens point ici pour manquer de respect au sang des Bourbons ; je ne dois, d’ailleurs, que de la reconnaissance aux bontés de madame. Laissant donc de côté les grandes objections, les raisons puisées dans les principes et les événements, je supplie Votre Altesse Royale de consentir à m’entendre en ce qui me touche.

« Elle a bien voulu me parler de ce qu’elle appelle ma puissance sur l’opinion. Eh bien ! si cette puissance est réelle, elle n’est fondée que sur l’estime publique ; or, je la perdrais, cette estime, au moment où je changerais de drapeau. Monsieur le duc d’Orléans aurait cru acquérir un appui, et il n’aurait à son service qu’un misérable faiseur de phrases, qu’un parjure dont la voix ne serait plus écoutée, qu’un renégat à qui chacun aurait le droit de jeter de la boue et de cracher au visage. Aux paroles incertaines qu’il balbutierait en faveur de Louis-Philippe, on lui opposerait les volumes entiers qu’il a