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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

pour décider une aussi grande question. Votre Altesse Royale se mettra de la sorte dans la position la plus populaire ; le parti républicain, qui fait aujourd’hui votre danger, vous portera aux nues. Dans les deux mois qui s’écouleront jusqu’à l’arrivée de la nouvelle législature, vous organiserez la garde nationale ; tous vos amis et les amis du jeune roi travailleront avec vous dans les provinces. Laissez venir alors les députés, laissez se plaider publiquement à la tribune la cause que je défends. Cette cause, favorisée en secret par vous, obtiendra l’immense majorité des suffrages. Le moment d’anarchie étant passé, vous n’aurez plus rien à craindre de la violence des républicains. Je ne vois pas même qu’il soit très difficile d’attirer à vous le général La Fayette et M. Laffitte. Quel rôle pour vous, monseigneur ! vous pouvez régner quinze ans sous le nom de votre pupille ; dans quinze ans, l’âge du repos sera arrivé pour nous tous ; vous aurez eu la gloire, unique dans l’histoire, d’avoir pu monter au trône et de l’avoir laissé à l’héritier légitime ; en même temps, vous aurez élevé cet enfant dans les lumières du siècle, et vous l’aurez rendu capable de régner sur la France : une de vos filles pourrait un jour porter le sceptre avec lui. »

Philippe promenait ses regards vaguement au-dessus de sa tête : « Pardon, me dit-il, monsieur de Chateaubriand ; j’ai quitté, pour m’entretenir avec vous, une députation auprès de laquelle il faut que je retourne. Madame la duchesse d’Orléans vous aura dit combien je serais heureux de faire ce que vous pourriez désirer ; mais, croyez-le bien, c’est